La Vue Encadrée par le lion qui tient la hampe portant la bannière armoriée et la licorne qui pose avec délicatesse ses pattes sur ses genoux, la Dame est assise tendant le miroir d’une main pour permettre à l’animal fabuleux de s’admirer. Cette composition rigoureuse est mise en évidence par les deux bouquets d’arbres, réduits à deux essences, le chêne et le houx. L’île bascule vers la gauche, créant une perspective volontairement interrompue par le fond rouge. Le Maître
de Moulins a su donner une portée métaphysique à
la scène en jouant notamment sur le croisement des regards :
la licorne qui se regarde et dont l’image se reflète avec
beaucoup de précision ; la Dame qui cherche à capter son
attention avec une tendresse douloureuse. Ainsi est créée
une unité très forte de ces trois visages au profit de
la Dame située entre les deux autres, réel et reflété. Le Goût La composition, très harmonieuse, est fondée sur le principe de la perspective inversée. Les deux hampes ramènent le regard au centre, pour insister sur le groupe central, créant une puissante verticale reprise de façon plus écartée par les troncs des arbres à gauche et à droite. De plus différents plans sont ménagés : le lion et la licorne au premier, la suivante au second ; la Dame au troisième. Pour ne pas créer de rupture, des transitions sont établies grâce aux mouvements de l’étendard, des traînes des deux femmes ; surtout grâce aux gestes de la suivante et de la Dame, de la Dame et de la perruche. La barrière de bois couverte de rosiers grimpants ferme l’organisation générale de la tapisserie. Il
n’appartient pas à la Dame, comme dans L’Odorat, de
livrer la signification du sens, mais au singe à ses pieds, qui
porte à sa bouche une friandise dérobée. La Dame
se contente de saisir une dragée dans la coupe que lui tend la
suivante, dragée dont se régale la perruche perchée
sur sa main gantée. L'Ouïe La pièce
souffre d’un tissage de moins bonne qualité que les cinq
autres : la jeune fille et les mains de la Dame ont été
rendues avec une certaine lourdeur par un licier maladroit ; la licorne
manque de souplesse. La composition, œuvre de l’artiste,
est cependant très élaborée : les hampes, relayées
par les troncs de chêne et d’oranger, sont chargées
de valoriser le groupe central que sépare le positif . Comme
dans La Vue, les cheveux tressés sont ramenés sur le front
et se terminent en aigrette, retenant un voile brun tombant sur les
épaules. La robe serrée sur le buste s’épanouit
dans de larges manches et tombe en formant une longue traîne.
Cette robe est d’une somptuosité qui relève de l’imagination
: le brocart se mêle à la soie et des pierres précieuses
la bordent. La suivante est naturellement plus modeste. Ses cheveux
sont voilés de mousseline ; sa robe tombe avec une grande rigueur,
mais se fend sur le côté pour mettre sa jupe en valeur. Le Toucher Avec beaucoup de délicatesse, la Dame effleure la corne de la licorne, mais tient fermement la hampe armoriée. Elle donne ainsi son sens à la pièce, mais montre une certaine pudeur en se détournant de l’animal. La composition est étonnante par sa dissymétrie, vite rétablie par la Dame, l’axe de la scène. Elle établit le lien entre les différents plans : licorne au premier, elle au second, hampe au troisième. Les verticales des arbres répondent à ce jeu de parallèles. L’artiste n’a pas cherché à créer une perspective, les arbres sont alignés, l’île est presque horizontale : le lion seul, à gauche, rétablit l’équilibre.
La Dame est vêtue d’une robe de velours bleu noir, qui accroche
admirablement la lumière. Elle s’ouvre sur le côté
pour laisser deviner la doublure d’hermine et la jupe de brocart
d’or sur fond bleu sombre. Une somptuosité que relèvent
encore les bijoux, ceinture et collier d’or. Le diadème qui
se termine en pointe sur le front et sur la nuque laisse libre la magnifique
chevelure blonde. L'Odorat La scène
est axée sur la Dame qui forme une couronne d’œillets
sous l’œil attentif de la suivante. Les hampes armoriées
portées par le lion et la licorne créent une perspective
qui va en s’élargissant vers le fond. Le mouvement est
accentué par les hauteurs du chêne et du pin qui écrasent
de leur masse oranger et houx en fleurs. Comme dans
Le Goût, ce n’est pas le geste tout en délicatesse
de la Dame qui est chargé de donner sa signification à
la scène. Il appartient au singe, qui respire un œillet
dérobé, de dévoiler qu’il s’agit de
L’Odorat. Les cheveux de la Dame sont en partie cachés
par le voile court chargé de pierreries qui souligne l’ovale
du visage. La robe bleue se relève largement sur la ceinture
pour permettre d’admirer la superbe doublure rouge et le brocart
d’or de la jupe. La poitrine est à peine découverte,
cachée par un collier de perles rares. A mon seul désir Le Maître de Moulins a porté à la pièce A mon seul désir un soin dans le dessin aussi attentif que dans Le Goût. Les liciers se sont efforcés de rendre dans le tissage la qualité de l’œuvre, qui a conservé la puissance de ses coloris. La composition est admirable dans sa grande rigueur. Là encore, tout est fait pour que l’œil soit saisi et porté vers la Dame qui forme l’axe. Le pavillon dont les pans sont maintenus ouverts par les deux animaux forme un cadre somptueux. Le lion et la licorne sont situés au premier plan et les hampes cernent la scène, ouvrant une nouvelle perspective inversée. Comme dans
Le Goût, des transitions subtiles enchaînent les différents
plans : le lion et la licorne au premier plan, tenant les pans du pavillon,
ramènent le troisième plan au premier ; entre les deux,
le chien sur le tabouret posé de biais, auquel fait face la suivante
tenant le coffret également de biais. Les deux diagonales se
rencontrent sur la Dame ; et le mouvement des mains de celle-ci qui
dépose le collier dans le coffret renforce cette liaison étroite.
Les diagonales formées par les cordes qui retiennent le pavillon
insistent sur cette idée. |